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Un bruit assourdissant suit le choc. Le moteur de la Vespa shootée avec violence tourne à plein régime, ne cale pas alors que l’échappement s’est déboîté. Les fenêtres du quartier s’ouvrent laissant apparaître des silhouettes inquiètes. Le corps de Madame Fauzé s’est envolé presque avec légèreté et, avant d’aller s’empaler inerte sous le véhicule, est retombé sur le pare-brise de la Volvo. Le verre fendu s’est coloré par place d’écarlate, composant un macabre tableau abstrait. Quatre adultes suivis d’un chien qui marchaient paisiblement se précipitent vers le corps cassé aux cheveux maintenant rougis, comme le visage. Les deux occupants de la Volvo prioritaire sont prostrés à côté du véhicule, les mains devant la face, comme dans un film. Un attroupement se forme, certaines silhouettes ayant quitté leurs miradors. Deux petits enfants pleurent, une mère les entraîne plus loin.
– Il n’y a plus rien à faire … le choc, la tête sous une des roues.
Ma fenêtre est baissée ; les mots sont prononcés par un homme qui se dit infirmier et qui s’est penché sur le corps allongé.
Nous remontons à la rue du Bois-Gentil, cassés aussi mais différemment. Les feux d’une ambulance écorchent la nuit d’éclairs bleutés. Une sonnerie grave retentit, un seul coup, ce doit être 22h30 qui carillonnent à l’un des clochers du quartier.