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Je dois à sa mémoire de te dire ce que nous savons de ce soldat allemand à qui Aaron doit la vie. Après la guerre, nous avons cherché à mieux connaître les raisons de l’action héroïque de cet homme. Son nom était Helmut Grow. Beaucoup de personnes qui sûrement l’ignorent lui doivent la vie. Sympathisant communiste, Helmut a régulièrement transmis des renseignements très utiles à une cellule franc-comtoise de résistants. Il a été dénoncé par un collabo qui avait infiltré la cellule. Il s’est tué en se jetant du quatrième étage de son cantonnement au moment où il allait être arrêté par la Gestapo. Je crois que c’était en juin 1943. Helmut avait 24 ans. Nous avons appris aussi qu’il avait été élevé à l’assistance publique. Il n’avait aucune proche famille. Je pense souvent à ce garçon, héros silencieux qui a surtout connu de la vie l’abandon, l’orphelinat et l’endoctrinement militaire dans ce qu’il a de plus nauséabond. Un garçon qui a su se révolter exemplairement et à sa manière contre la barbarie triomphante. Helmut, assassiné par ceux-là même dont il sauvait l’honneur.
Les larmes me coulent à nouveau, Victor. Comme à chaque fois que je me remémore cet épisode. Mais maintenant, ce sont les larmes d’une bonne émotion. Les larmes de ceux qui sont témoins d’un acte où l’humanité révèle ce qu’elle a de meilleur. Les larmes de ceux qui se retrouvent après une longue séparation. Les larmes qui ponctuent une épreuve douloureuse enfin surmontée.
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